De nombreux médecins-dentistes ont des prédispositions pour la technique et utilisent des technologies numériques dans leur pratique quotidienne. Mais tout ce qui peut se faire à distance dans des spécialités médicales comme la dermatologie ou la médecine de famille n’est pas forcément praticable en téléodontologie. Il n’en reste pas moins que la crise du coronavirus a remis la question sur la table. Est-ce que des canaux numériques, ou des téléconsultations pourraient permettre d’intensifier les contacts avec les patients ?

Pour le moment, seuls quelques médecins-dentistes proposent des conseils en ligne. L’une des applications de la téléconsultation est, par exemple, la discussion concernant le plan de traitement. Il va toutefois de soi qu’un diagnostic ou un traitement ne peuvent pas être faits à distance.

Attention aux législations cantonales

Comme l’explique Ivo Bühler du Service juridique de la SSO, la télémédecine, soit la pratique de la médecine sans contact direct entre participants, est en principe soumise aux mêmes règles que la pratique de la médecine en présence du patient. Le personnel médical doit ainsi être en possession d’une autorisation de pratiquer. L’octroi de cette autorisation et les conditions d’exercice de la profession sont définis dans la loi sur les professions médicales, mais aussi, et même principalement, dans les législations cantonales sur la santé. Il est impossible de donner une réponse unique, valable pour toute la Suisse à la question de savoir si la fourniture de prestations de télémédecine est autorisée et, si oui, sous quelles conditions. Ainsi, certaines lois cantonales disposent explicitement que l’activité autorisée doit être exercée personnellement et, normalement, en présence du patient (par exemple l’art. 29 de la loi sur la santé du canton de Glaris).

Les prescriptions de la profession doivent également être respectées. Le Code de déontologie de la FMH indique par exemple qu’un traitement de longue ­durée, effectué exclusivement sur la base de renseignements transmis par correspondance, par téléphone ou par voie électronique, ou sur la base de rapports fournis par des tiers, est contraire à la déontologie.

Pendant la pandémie de COVID-19, les autorités ont donné l’impression qu’en raison du droit de nécessité, la ­télémédecine était généralement admise. Pour un meilleur aperçu des conditions qui doivent être remplies, il convient pourtant de se référer à la fiche d’information de la FMH « La télémédecine pendant la pandémie de COVID-19 » (www.fmh.ch/files/pdf23/fiche-dinformation-telemedicine.pdf).

Télé-enseignement : du scepticisme à ­l’enthousiasme

Les offres de perfectionnement et de formation continue en ligne ont explosé dans le domaine de la médecine dentaire. De nombreux congrès, dont le Congrès 2020 de la SSO, sont aujourd’hui retransmis en direct (streaming). La situation est nouvelle tant pour les orateurs que pour l’auditoire, mais on s’y habitue vite. « En raison du coronavirus, le congrès de la SSO ne pouvait pas avoir lieu comme prévu en présentiel. Après avoir discuté des différentes possibilités, nous avons décidé d’organiser un Congrès SSO 2020 virtuel », explique Andreas Filippi, président de la Commission scientifique pour les congrès de la SSO.
Le premier congrès d’odontologie purement virtuel de Suisse a été l’« IRED Lugano Symposium », organisé par l’Institute for Research and Education in Dental Medicine. Les participants ont apprécié ce nouveau format.

La clinique d’odontologie réparatrice et de parodontologie de l’Université de Fribourg-en-Brisgau a déjà une longue expérience en matière de télé-enseignement, puisqu’elle propose depuis 13 ans une filière de master hybride en parodontologie et implantologie, au cours duquel la plupart des cours théoriques sont dispensés en ligne, dans une salle de cours virtuelle. Quant aux phases d’enseignement présentiel, elles servent surtout à acquérir et à exercer des compétences pratiques. Les autres activités présentielles sont les journées de réflexion, les consultations de groupe et les entretiens préalables aux opérations, indique le professeur Petra Ratka-Krüger, responsable de filière et directrice de la section de parodontologie de la clinique universitaire.

Petra Ratka-Krüger est toutefois convaincue que le télé-enseignement a aussi ses limites : « Selon nous, il est préférable d’effectuer les évaluations et les contrôles de compétences en présence des étudiants et des examinateurs pour les examens écrits, ou des enseignants pour l’évaluation des exercices pratiques. » Le télé-enseignement représente aussi un défi particulier pour le corps professoral, qui doit être capable de bien structurer son enseignement et être prêt à s’adapter au format virtuel. « Nous avons d’ailleurs remarqué que le scepticisme initial des enseignants cède vide la place à l’enthousiasme pour ce mode d’enseignement et les possibilités qu’il offre », complète Petra Ratka-Krüger. « En outre, grâce à l’intérêt croissant pour les formats en ligne, de plus en plus d’enseignants ont déjà de l’expérience dans ce domaine, de sorte que la charge technique et didactique liée à l’introduction de ce modèle d’enseignement ne cesse de diminuer. De plus, l’infrastructure technique est de plus en plus simple à utiliser, ce qui permet d’introduire rapidement au télé-­enseignement les enseignants moins versés dans la technique. »

Un apprentissage numérique dans un monde numérique

Petra Ratka-Krüger est persuadée que l’apprentissage numérique va prendre de l’ampleur dans le secteur du perfectionnement et de la formation continue en odontologie – et ce, indépendamment de la situation actuelle. « C’est cette conviction qui nous a animés lors de la mise en place de cette filière. Nos étudiants sont des médecins-dentistes en exercice, des propriétaires de cabinets, des pères et des mères de famille. Pour toutes ces ­personnes, il est important d’utiliser son temps de manière efficace. Avec des phases présentielles réduites, les absences du cabinet ainsi que les frais et la durée des déplacements diminuent d’autant. Les étudiants peuvent accéder aux ressources didactiques quand cela leur convient le mieux. L’enseignement présentiel est utilisé de manière ciblée pour des sujets qui nécessitent des exercices pratiques et de l’entraînement. Et bien entendu, la pandémie de coronavirus a prouvé que ce modèle de filière hybride permettait d’assurer la continuité de l’enseignement et de la formation continue même dans des situations très particulières. »

Pour de plus amples informations sur cette filière : www.masterparo.de