« La parodontite, un facteur de risque pour développer une forme grave de COVID-19. » Ce titre accrocheur a fait la une de plusieurs médias au début de l’été. Tous les articles publiés reposent sur une étude réalisée au Qatar. Les chercheurs ont analysé les radiographies de patients présentant une forme grave de COVID-19 pour rechercher d’autres pathologies médicales et dentaires. La corrélation directe entre une parodontite et une forme grave de COVID n’a pas encore été démontrée. Une étude de grande envergure serait nécessaire pour ce faire, ce qui n’est pas possible actuellement en raison de la pandémie. Les études émanant des autres pays parviennent toutefois au même constat.
D’une part, les scientifiques supposent que les coronavirus s’accumulent dans la salive et que le parodonte enflammé leur permet de parvenir plus rapidement dans le système sanguin et les poumons, ce qui accroît le risque de caillots sanguins dans ces derniers. À la suite de cela, certaines parties des poumons ne fonctionnent plus, ce qui entraîne un manque d’oxygène. Une autre explication est la sollicitation chronique du système immunitaire des personnes souffrant de parodontite non traitée, qui l’empêche de réagir pleinement à une infection au coronavirus. Le docteur et privat-docent Christoph Ramseier est chargé d’enseignement à la Clinique de parodontologie de l’Université de Berne et président de la Société suisse de parodontologie (SSP). Il espère que les articles parus dans les médias auront attiré un peu plus l’attention sur la parodontite. « Certes, la maladie ne sera pas connue de tous du jour au lendemain du fait de son lien avec le COVID-19. Mais nous pouvons peut-être faire prendre davantage conscience que la parodontite doit être soignée et que cela est possible grâce à un suivi régulier de médecine et d’hygiène dentaires. »
Chaque médecin-dentiste a un rôle actif à jouer en matière de prévention
Afin de sensibiliser la population et de prévenir la parodontite, il ne suffit pas de rappeler aux gens de se brosser régulièrement les dents, affirme Christoph Ramseier. Il faut, au contraire, aménager l’environnement de vie et de travail de telle sorte que le comportement souhaité devienne un automatisme, par exemple en proposant les produits de nettoyage des espaces interdentaires à des prix relativement abordables.
De plus, chaque médecin-dentiste peut contribuer activement à la prévention de la parodontite, insiste Christoph Ramseier. Tout d’abord en expliquant à ses patients pourquoi il examine la présence de maladies des dents, des gencives et des muqueuses ainsi que de facteurs de risque correspondants. Ensuite en leur montrant qu’en définitive, ce contrôle est le plus avantageux s’il est effectué en même temps que le contrôle périodique de la denture. Enfin en précisant qu’en fonction de la gravité des symptômes, un autre membre de l’équipe du cabinet va les soigner. Le recall régulier des patients est important également. « Grâce à un suivi tout au long de la vie, une amélioration est possible et les résultats obtenus peuvent être stabilisés. »
Christoph Ramseier recommande aux cabinets dentaires d’appliquer la procédure basée sur les directives de la European Federation of Periodontology (EFP). Lors du premier rendez-vous, le médecin- dentiste examine l’état parodontal du patient et dirige ce dernier, selon qu’il présente une parodontite ou une gingivite, à une hygiéniste dentaire ou à une assistante en prophylaxie dentaire. Christoph Ramseier fait cependant remarquer que pour « garantir un suivi optimal de la santé parodontale de toute la population suisse, il faudrait davantage d’hygiénistes dentaires et d’assistantes en prophylaxie, étant donné que tous les médecins-dentistes ne sont pas prêts à réaliser euxmêmes des traitements d’hygiène dentaire. » Christoph Ramseier souhaiterait donc que davantage de ces professionnels des soins dentaires soient formés.
Un jubilé et trois objectifs
Christoph Ramseier est président de la SSP depuis près d’un an. Cette société de discipline fêtera son 50e anniversaire en septembre 2021, une étape qui fera date. Pour l’occasion, la SSP s’est offert un nouveau site Web et une rétrospective sous forme de vidéo. Christoph Ramseier a encore d’autres ambitions pour son mandat de président.
Pour commencer, il souhaite mieux informer la population sur les maladies parodontales. La parodontite est à la fois une malédiction et une bénédiction, explique-t-il. « Une malédiction, car si la maladie n’est pas traitée, on finit par perdre ses dents. Une bénédiction, car le patient ressent malgré tout peu de douleurs. Cela nuit toutefois à la prévention. C’est pourquoi nous devons encore mieux informer nos patients. »
Le deuxième objectif est que les cabinets développent une relation de confiance durable avec les patients et planifient leur traitement sur le long terme, afin de l’optimiser.
Troisièmement, Christoph Ramseier veut augmenter l’effectif de membres de la SSP. Cela permettrait également de disposer de ressources financières supplémentaires pour lancer l’offensive d’information déjà planifiée dans les médias et sur les plateformes des médias sociaux. Christoph Ramseier se dit convaincu qu’une telle campagne est utile pour les membres de la SSP et les équipes des cabinets dentaires. « On gagne beaucoup de temps lorsqu’on ne doit pas expliquer en détail à un patient qui a déjà été informé en amont sur la parodontite et sur ce qu’il faut entreprendre pour la combattre. »
La numérisation offre de nouvelles possibilités
L’an passé, comme de nombreuses autres sociétés de discipline médicale, la SSP s’est également fortement impliquée dans la numérisation. En raison de la pandémie, le Congrès annuel 2020 a été remplacé à court terme par un évènement en ligne. Suite à cette expérience, le président de la SSP souhaite à l’avenir organiser d’autres petites manifestations hybrides, en plus du congrès annuel. La numérisation offre aussi de nouvelles possibilités en ce qui concerne l’information des patients. Outre les informations via les médias sociaux et les sites comme www.parodont.ch (voir encadré), Christoph Ramseier voudrait également mieux utiliser les données disponibles des patients. « Si un patient souffrant d’une parodontite chronique m’est adressé, je ne sais en principe rien de ses antécédents parodontaux. Or, ces informations seraient très utiles pour éviter que chaque soignant doive refaire une nouvelle évaluation. » Un outil numérique, que Christoph Ramseier met à la disposition de tous sur le site www.perio-tools.com, pourrait être la solution. Les patients, mais aussi les médecins-dentistes peuvent y saisir leurs données. Celles-ci ne sont pas enregistrées sur un serveur, les utilisateurs restent anonymes. « Je sais seulement que le site enregistre environ 600 consultations par jour. L’outil est donc véritablement utilisé. »
Mais Christoph Ramseier va encore plus loin : « Un jour, nous aurons peut être nos données parodontales enregistrées sur notre téléphone portable, en plus d’autres données médicales collectées au moyen d’une montre connectée. C’est une aide, non seulement pour la personne qui soigne le patient, mais aussi pour le patient lui-même. Comme pour le sport, une smart watch nous incitera peut-être un jour à améliorer nos valeurs de parodontite. »